28 février 2017

Le marché des commerces, un peu de douceur dans un monde de brutes

« La Meringaie », « Eclair de génie », « les Gâteaux Thoumieux », « les Merveilleux de Fred », « les Fées Pâtissières », « la Pâtisserie des rêves », « Hugo & Victor » : le nombre de nouvelles enseignes et de concepts inédits de pâtisseries dans Paris est impressionnant. C’est même un des faits marquants de 2016. Besoin de se consoler ou envie de croquer la vie à pleines dents ? Les deux ! Les motivations s'entremêlent, et le constat vaut pour aussi bien pour les consommateurs que pour les chaînes de magasins. Cependant, pour ces dernières, la quête de croissance ne s’opère pas à n’importe quel régime. Dans le nombre de nouveaux magasins à ouvrir, et dans le choix de leur implantation, la sélectivité a été le maître-mot. Certains quartiers ont été plus impactés que d’autres par les mesures antiterroristes. Pour autant, la vie ne s'arrête pas. De fait, l'autre phénomène de 2016 aura été la floraison dans tout Paris de commerces alimentaires sur le modèle des « convenience stores » américains. Après Carrefour et Auchan, c'est au tour d'Intermarché d'investir Paris intramuros. Ces tendances traduisent une reprise de la consommation. De fait, celle-ci était là en 2015. Elle aurait pu l’être encore davantage l’an dernier, si le traumatisme consécutif aux attentats n'avait pas placé les acteurs économiques dans un état d'apesanteur. Cette double retenue des consommateurs et des commerçants a eu pour effet indirect de stabiliser l'évolution des valeurs locatives. Mais il suffirait de peu pour que tout redémarre. Le retour de la clientèle internationale par exemple.

Consommation : le goût pour les points de vente physiques n’a pas faibli. Les attentats ont souvent laissé une saveur amère. Ainsi, les hôteliers de la capitale ont subi un recul de 12% de leurs réservations. En revanche, en matière de consommation, les Français ont été les champions d’Europe de la résilience. Leur appétit d’achats ne s’est pas démenti. La tendance déjà observée en 2015 s’est confirmée. De sorte que la longue vague de recul commencée en 2007 est maintenant arrêtée. Autre fait intéressant à noter, au moment de manifester leur envie d’achats, les Français auraient pu privilégier le canal électronique, au détriment des commerces physiques. Il n’en a rien été. Selon les premières statistiques, au cours des deux derniers trimestres, les ventes en ligne n’auraient représenté qu’un peu plus de 5% de la consommation totale des Français.

Certes, a priori, les Parisiens ont dû se trouver sur-représentés dans cette proportion, dans la mesure où ils sont plus jeunes et plus connectés. Mais cela reste à prouver, car la fréquentation des boutiques et des commerces parisiens est aussi perçue comme essentielle. Elle s’est presque apparentée en 2016 à un acte citoyen. Le mouvement « Tous en terrasse ! », lancé après les attentats de novembre 2015, a bien illustré cet esprit de résistance.

Cependant, la vigueur de la clientèle locale ne doit pas occulter le recul des acheteurs internationaux. Or pour un détaillant sur trois, ces derniers assurent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. Les plus grands absents ont été les Russes, les Italiens et surtout, les Japonais. Pour la première fois, ils sortent du top 10 des principaux visiteurs de Paris.

Palmarès des quartiers : au faubourg Saint Honoré, « ce n’est pas toujours du gâteau ». La prime à l’emplacement numéro un a été flagrante en 2016. On connaît ces lieux privilégiés : ce sont les Champs-Elysées, les quartiers Haussmann, Saint-Honoré et Faubourg Saint-Honoré, l’avenue Montaigne, Saint-Germain-des-Prés ou Le Marais… Tous ont profité de la montée en puissance de la législation sur les ouvertures dominicales, d’autant que les accords d’entreprises en la matière se sont multipliés : au BHV, chez Sephora, Zara, Galeries Lafayette, Nature & Découvertes...

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de salut pour la vie commerciale parisienne en dehors de ces adresses plébiscitées ? Non mais une tendance se confirme et s’accélère. Elle était déjà esquissée dans l’édition 2016 de Paris Vision : c’est la spécialisation de l’espace. Pour les grandes marques et les enseignes puissantes, notamment celles qui sont tournées vers la mode et l’équipement de la personne, il n’est pas envisageable d’être absentes des emplacements numéro un. Mais le reste de la capitale est ouvert aux autres, notamment aux jeunes concepts créatifs et, surtout, au commerce de proximité.

Le phénomène est alimenté tambour battant par les distributeurs à dominante alimentaire. Casino (au travers de Monoprix et Franprix) ainsi que Carrefour mènent la marche. Mais Auchan et Intermarché suivent. Du coup, il se généralise dans Paris un modèle de petites et moyennes surfaces inspiré des daily ou « convenience stores » américains. Le métier d’épicier se réinvente, au travers de points de vente relookés, affichant leur éco-citoyenneté et enrichis d’une gamme de services tels que le pressing ou le relais de La Poste.

En outre, il ne suffit pas d’être admis au cercle fermé des emplacements numéro un pour être assuré de son succès commercial. A la suite des attentats, les quartiers ont connu des fortunes diverses. Ainsi celui des Champs-Elysées a continué à bénéficier à plein de son caractère de rareté. Les plus grandes marques mondiales se sont fait un point d’honneur à y installer leur flagship. Parfois, elles y ont même ouvert leur plus grand magasin dans le monde, à l’exemple de l’enseigne américaine de burger gourmet Five Guys qui a inauguré un restaurant sur plus de 1 150m². Apple, l’Italien Kiko et Galeries Lafayette se trouvent dans les mêmes dispositions d’esprit. Leurs magasins emblèmes ouvriront en 2017 et 2018. A quel prix ? La transaction Kiko s’est réalisée sur la base d’un loyer de 18 500€. Une valeur Prime au-delà de 20 000€ est très clairement atteignable à échéance d’un à deux ans, sachant que ce niveau de valeur locative a déjà été ponctuellement dépassé (Mac, Tiffany & Co et, très récemment, Chanel).

A l’inverse, la situation a été beaucoup plus contrastée sur le Faubourg Saint-Honoré : si le mouchoir de poche compris entre la rue Royale et la rue d’Anjou n’a pas connu la crise, le tronçon suivant, entre la rue d’Anjou et la place Beauvau, a été privé de dessert. Déjà que le linéaire de boutiques y est réduit en raison de la présence du palais de l’Elysée, de l’ambassade britannique et du ministère de l’Intérieur. Mais surtout, les contraintes liées à l’état d’urgence ont considérablement limité les flux de clientèle. Certaines enseignes ont ainsi détourné le regard de cette partie de la rue.

Perspectives 2017 : vous reprendrez bien un peu de dessert ?

Les ingrédients pour faire monter les blancs en neige sont réunis dans la cuisine : la croissance s’améliore, le pays est enfin entré dans une phase de création nette d’emplois, la consommation s’inscrit dans une tendance amorcée en 2015. Cela suffira-t-il à faire réussir la recette ? Pour le commerce parisien, la réponse réside largement dans la tête des visiteurs internationaux. Que ces derniers reviennent en nombre, et 2017 aura une saveur encore plus sucrée que 2016.

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