13 juillet 2016

Extension de l'encadrement des loyers à l'Ile-de-France: vitesse et précipitation

Par Jean-François Buet, Président de la FNAIM

Madame Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l'Habitat Durable, a donc mis fin à un long suspense en décidant d'étendre l'encadrement des loyers d'habitation de la loi ALUR. Le territoire concerné, après une année d'expérimentation à Paris intra-muros, est l'Ile-de-France dans sa quasi-totalité, soit 412 communes. On peut être tenté de réagir de façon idéologique à cet oukase, en mettant en avant que les propriétaires bailleurs doivent garder la liberté de fixer leur loyer comme ils l'entendent et que le droit de propriété est malmené dans cette affaire. Mais, je me placerais à un autre niveau, plus pragmatique.

Le pragmatisme dicte d'abord de se demander si les marchés locaux visés par cette extension ont besoin de ce mécanisme de modération et s'ils sont tellement déréglés par rapport à la solvabilité des ménages. Rien n'est moins sûr : l'observation statistique, notamment celle de notre fédération, mais aussi des autres sources, atteste que les loyers se sont stabilisés ou ont baissé depuis quatre ans. La temporalité de la politique n'est pas celle de l'économie, et depuis que le candidat Hollande a promis en 2011 un encadrement - loyalement inscrit dans la loi ALUR par Cécile Duflot -, il s'est passé cinq ans! Cinq ans que le marché a mis à profit pour se calmer. La bride de l'encadrement n'est plus utile, et elle va seulement donner le sentiment, une fois encore, qu'on tracasse les propriétaires, au risque avéré de les éloigner de l'investissement locatif privé.

D'ailleurs, la précipitation de Madame Cosse est singulière à plusieurs titres. Je l'ai dit d'un mot choisi: Paris a été voulue comme un territoire expérimental et un rapport devait être dressé après un an d'encadrement pour mesurer tous les effets de la décision, tant pour les loyers pratiqués que pour le patrimoine locatif, dont on constate qu'il s'est réduit depuis plusieurs mois dans la capitale...au profit de la banlieue. Il y a fort à parier que les investisseurs vont de plus en plus se balkaniser et préférer les autres régions à l’Ile-de-France. Or, on connait les besoins criant d'offres locatives en Ile-de-France. Le geste de Madame Cosse est à haut risque. Pourquoi n'a-t-elle attendu les résultats de l'évaluation avant d'aller plus avant ?

On se rappellera aussi que le Premier ministre, arrivant à Matignon et s'inquiétant des ravages de certaines dispositions de la loi ALUR, avait sagement substitué la consultation des maires au dispositif d'encadrement systématique dans toutes les agglomérations référencées comme tendues. Les 412 édiles des 412 communes cibles de l'extension ont-ils été interrogés ou se sont-ils spontanément manifestés en exigeant l'encadrement? Qui plus est, une association de consommateurs estimable, la CLCV, a lancé une grande campagne de mobilisation, incitant les habitants des villes de France à réclamer à leurs maires l'encadrement dans leurs communes... Bref, nul n’a été ignoré et les élus auraient pu le réclamer, ce qu'ils n'ont majoritairement pas fait, eussent-ils été sympathisants du gouvernement.

Enfin, Madame Cosse a eu une idée remarquable, qui laissait augurer une attitude plus raisonnée quant à l'usage de l'encadrement des loyers : elle voulait inciter le Parlement à modifier la loi ALUR sur un point majeur, passé inaperçu, le lien entre création d'observatoires dans le pays et encadrement. La loi du 24 mars 2014 dispose que là où un observatoire verra le jour, il faudra mettre en œuvre un encadrement. C'est une aberration intellectuelle: le diagnostic est indispensable, mais il conduit d'abord à mesurer l'opportunité du traitement ! Opère-t-on sans discernement du cœur tous ceux qui prennent la précaution de s'astreindre à un électrocardiogramme ?

Dans sa précipitation, le gouvernement a peut-être introduit un antidote: pour cause de délai d'installation de l'observatoire, qui permettra de définir les loyers de référence réglementaire, la mesure n'interviendra qu'en...2018. "Festina lente" en quelque sorte, selon l'adage latin qui a servi de devise à bien des souverains, et se traduit par "Hâte-toi lentement". Il est à souhaiter que les pouvoirs publics se repentent d'ici à l'échéance d'application de cette décision parfaitement inutile pour le marché et inquiétante pour les investisseurs.

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